3 outils pour favoriser l'Égalité fille-garçon dans la classe
Égalité filles-garçons ⚖️
PAROLES DE CHERCHEURS
Sarah Sagueton
Sarah Sagueton, doctorante en Sciences de l'éducation et de la formation à l’Université Lumière Lyon II et l’Université de Genève. Sarah a mené une recherche-action auprès de 3 enseignant(e)s de primaire sur la prise de parole des filles et des garçons. Son analyse portait spécifiquement sur le temps du Conseil qui, en pédagogie Freinet, est un échange régulier entre élèves, pour réguler la vie de classe, résoudre des conflits et proposer de nouvelles idées.
Nous avons eu la chance de rencontrer Sarah, en préparation de notre newsletter #3 sur l'égalité filles-garçons à l'École.
Inégalités de prise de parole entre les filles et les garçons à l’école, on en est où ?
Dès les années 80 les recherches sur le genre ont commencé à s'intéresser à l'École, avec le constat suivant : au primaire, les enseignants et enseignantes interagissent 2 fois plus avec les garçons qu’avec les filles. Les garçons reçoivent plus d’aide, leurs réponses sont davantage attendues.
C’est la règle du 2/3 (interactions avec les garçons), 1/3 (intéractions avec les filles). Ce déséquilibre s'exprime tant sur la quantité d’interactions que sur la qualité des interactions. Les filles entendent moins leur prénom, elles sont plutôt incitées à réciter des savoirs déjà construits alors qu’on sollicite les garçons à construire de nouveaux savoirs. Ces inégalités s’accroissent avec le temps puisque dans le secondaire, les garçons ont 8 fois plus de probabilité d'intervenir de manière insistante pour obtenir la parole ou l'attention.
Des recherches plus récentes montrent des améliorations. Au primaire on note une diminution des inégalités d’interactions avec l’enseignant ou l’enseignante ; aujourd’hui on est plus autour du 55% envers les garçons et 45% envers les filles. Il n’en reste pas moins que ce sont toujours les garçons qui interrompent majoritairement la classe et cela quelque soit l’âge, le milieu social d’origine ou les performances scolaires. Des garçons plus jeunes auront tendance à davantage occuper l'espace sonore que des filles plus âgées.
Au secondaire, les progrès sont moins nets, les inégalités persistent.
Alors pourquoi c’est comme ça ?
Les enfants agissent en fonction des normes de genre qu’ils intériorisent très jeunes.
Rappelons que le genre est un système de normes qui produit le féminin et le masculin et qui les hiérarchise.
Les garçons coupent plus la parole, transgressent les règles car derrière se trouve la performance de leur masculinité.
Ce système genré influence à la fois les intéractions des élèves entre eux mais aussi entre l’enseignant ou l’enseignante et la classe. Les enseignants et enseignantes ont elles et eux aussi intégré un certain nombre de codes et les reproduisent souvent de manière inconsciente.
C’est d’ailleurs ce que l’on observe dans tous les espaces : professionnels, privés, amicaux : les hommes occupent plus l’espace sonore que les femmes..
Comment imaginer un système plus égalitaire ?
La formation des enseignants et enseignantes est primordiale. Être sensible à ces questions d’inégalités ça s’apprend et surtout ça s’entretient ! Le défi réside à la fois dans la formation initiale mais aussi dans la formation continue : chausser des lunettes de genre, ça se perd !
Dans les INSPE, le volume d’heure consacré à cette thématique est très inégal selon les structures : cela va de 2h de sensibilisation à 30h de cours en passant par des cours parfois “optionnels” sur ce sujet. Le manque de formation des enseignants et enseignantes à ce sujet contribue forcément à entretenir ces inégalités car comme toute personne socialisée dans un monde genré, les enseignants et enseignantes présentent des stéréotypes qui influencent leur pratique.
Mais il ne suffit pas de prendre conscience de ces inégalités pour qu’elles diminuent ou disparaissent. Il faut mettre en place des outils concrets.
C’était l’idée de cette recherche action menée dans le cadre de ma thèse de doctorat : comprendre, dans le cadre spécifique des conseils de coopérative en classe Freinet, comment des outils précis pouvaient permettre de réduire l’écart de participation entre les filles et les garçons.
La mise en place de ces mesures devait à la fois permettre d’augmenter la participation des filles mais aussi de diminuer la place prise par les garçons.
3 outils testés pour une meilleure égalité :
Limiter à 3 le nombre de prises de parole par élève.
Effet : + prises de parole des filles, mais seulement après les garçons.
On a alors proposé la “liste de priorité” : privilégier l’intervention de celles ou ceux qui n’ont pas encore parlé.
Mettre en place d’une fiche où chacune et chacun peut inscrire ses propositions en amont.
Ces mesures ont ensuite été votées en Conseil. L’idée c’est aussi d'inclure les enfants dans ces réflexions, les mesures qu’ils votent eux-même ont toujours plus de poids.
Les différentes mesures mises en place dans les classes concernées par cette recherche-action ont vraiment permis de se rapprocher d’un équilibre dans la prise de parole entre les garçons et les filles. Pour œuvrer en faveur de cette égalité, il faut développer ce type d’initiatives en gardant toujours en tête qu’une prise de conscience ne suffit pas, sans action concrète, les inégalités persistent et s’installent.

