Rythmes scolaires : et si on écoutait (vraiment) la science?
Forme scolaire 🏫
PAROLES DE CHERCHEURS
Lys Brunet
Alors Lys, d’où vient ce rythme scolaire français ? Pourquoi ça n'a-t-il pas changé ?
Le rythme scolaire français est le fruit d’un héritage historique, politique et médical. Au fil des décennies, le corps médical a mis en avant les risques de surmenage et de sédentarité chez les enfants, ce qui a conduit à l’ajout de plages de récréation et d’activités physiques. Mais malgré ces ajustements, notre système se distingue toujours par un rythme très particulier comparé à celui d’autres pays.
Si l’on regarde les données récentes de l’OCDE dans les rapports Regards sur l’éducation, on observe que la France a un nombre de jours d’école parmi les plus faibles (144 jours en primaire contre 180 en moyenne dans l’OCDE), mais un volume horaire annuel élevé, ce qui rend les journées scolaires plus longues et plus denses. Ce format génère de la fatigue et pose de réels problèmes d’attention, notamment chez les plus jeunes.
Notre système se caractérise aussi par de nombreuses petites vacances régulières, là où d’autres pays préfèrent une répartition plus équilibrée du temps scolaire tout au long de l’année, avec des journées allégées sur 5 jours.
Pourquoi notre rythme français n’est-il pas adapté aux enfants ? A l’échelle de la journée, que préconisent les recherches?
Le respect des rythmes biologiques est un principe fondamental, en particulier chez les enfants.
Selon le rapport d’expertise INSERM (2001), ces rythmes évoluent avec l’âge :
à 6–7 ans, les enfants ont des performances cognitives nettement meilleures le matin qu’en début d’après-midi alors que vers 10–11 ans, la différence entre matin et après-midi s’atténue.
Les moments les moins favorables aux apprentissages sont le début de matinée (avant la montée de l’attention) et le début d’après-midi (période de baisse de vigilance postprandiale). Ces créneaux ne devraient pas être réservés aux nouveaux apprentissages mais à des révisions ou à des activités moins exigeantes cognitivement.
Chez les adolescents, la puberté provoque un "retard de phase" dans la production de mélatonine, qui entraîne un coucher plus tardif et une difficulté à se lever tôt. Une étude récente menée par Stéphanie Mazza, professeure de neuropsychologie à Lyon, et Ève Reynaud a montré que décaler l’heure de début des cours à 9h améliore les performances scolaires chez les collégiens, car cela respecte mieux leur rythme biologique.
Que penser de l’éternel débat sur les 2 mois de vacances d’été ?
Les vacances d’été sont une période critique pour les apprentissages. Des données françaises récentes de la DEPP (note d’information 23.17, 2023) montrent que ce sont pendant ces vacances que s’accentuent particulièrement les inégalités au début de la scolarité. Si l’on s’intéresse à la question des inégalités éducatives et que l’on considère que notre système éducatif à un rôle à jouer, la question des vacances est primordiale.
On parle souvent de réduire ces vacances pour « faire comme dans d’autres pays », mais ce n’est pas une solution magique. Une étude menée aux Pays-Bas par Broekman et al. (2021) montre que même avec 6 semaines de vacances seulement, des inégalités apparaissent à la rentrée, notamment en lecture et en mathématiques.
Ce qui importe, ce n’est pas tant la durée des vacances, mais l’accès aux ressources éducatives pendant cette période.
Comment faire pour que ça change ? De quoi les différents acteurs auraient besoin pour que la transition se fasse en douceur ?
La semaine de 4 jours, adoptée dans beaucoup de communes françaises depuis 2008, a été fortement critiquée par les chronobiologistes et les spécialistes de l’éducation. En condensant l’ensemble des apprentissages sur quatre journées, on surcharge les enfants sans leur laisser le temps de récupérer.
La réforme de 2013, qui visait à revenir à 4,5 jours, a été mal évaluée, peu accompagnée et inégalement mise en œuvre, ce qui a mené à son rejet par une grande partie des acteurs. Mais la semaine de 4,5 jours, ou 5 jours allégés, est plus respectueuse du rythme biologique des enfants, surtout en primaire.
Le premier obstacle est méthodologique. Trop souvent, les réformes éducatives sont menées sans évaluation rigoureuse. Par exemple, pour la réforme de 2013, il n’y a pas eu de groupe contrôle, pas d’évaluation longitudinale fiable. Résultat, on ne peut pas dire aujourd’hui si elle a réellement eu un impact positif ou non sur les apprentissages.
Ensuite, il faut sortir de l’opposition entre scolaire et périscolaire. Le temps hors classe (accueils du soir, centres de loisirs, mercredis) peut être un véritable levier éducatif, à condition de former les animateurs et de leur donner les bons outils.
À ce sujet, une étude en cours à Nanterre que nous réalisons vise à évaluer l’impact d’une formation en sciences cognitives pour les animateurs périscolaires sur le développement des enfants (CP-CM2) : régulation émotionnelle, fonctions exécutives, métacognition, compétences en mathématiques et en langue. Les premiers résultats sont attendus pour fin 2025, et pourraient nourrir une réforme ambitieuse et fondée sur des données probantes.
Repenser toute l’architecture temporelle du système scolaire est un vrai défi : alléger les journées, mieux répartir le temps d’apprentissage, intégrer le périscolaire dans une logique éducative cohérente, et surtout, baser nos politiques sur des données scientifiques.
Doctorante en psychologie de l’éducation au LaPsyDÉ, Lys Brunet consacre sa thèse au développement de compétences clés chez les enfants (attention, mémoire, métacognition, régulation émotionnelle) pour lutter contre les inégalités dès la maternelle. Elle nous éclaire sur ce que disent les recherches scientifiques sur les rythmes scolaires et ce qu’on pourrait changer dans l’organisation du temps à l’école.

