Une classe, 3 niveaux
La force de l'intergénérationnel 👩🦳👧
LES PROFS QUI FONT BOUGER L’ÉCOLE
Émilie Garand


Émilie Garand est enseignante en classe multi âge : petite, moyenne et grande section depuis 2017 à l’école maternelle Jean de la Fontaine de Saint Sébastien sur Loire (44).
Peux-tu nous présenter ton initiative ?
Directrice d'une école maternelle publique dans l'agglomération nantaise depuis 2011, j'y enseigne depuis 2017 en classe multi-âge PS-MS-GS. J'ai fait ce choix de la classe à triple niveaux pour pouvoir mettre en place plus efficacement la pédagogie Montessori pour laquelle je me suis formée au fil des années.
En effet, entre 2011 et 2016, j'avais une classe de très petite section et petite section qui ne me permettait pas de garder mes élèves plusieurs années et les habitudes de travail en autonomie étaient compliquées à mettre en place.
Désormais, je garde mes élèves pendant 3 ans, ce qui présente de multiples avantages :
Pouvoir se laisser le temps et laisser le temps aux enfants d'entrer dans les apprentissages à leur rythme, en se disant qu'ils ont trois ans pour acquérir les compétences attendues en fin de maternelle.
Pouvoir suivre les périodes sensibles de chacun, car tous les ateliers de la progression sur 3 ans dans chaque domaine sont présents en permanence dans la classe. Chacun progresse donc à son rythme dans chaque domaine, et a de quoi se nourrir et se challenger avec des activités qui peuvent atteindre un niveau bien au-delà du niveau de GS.
S'appuyer sur l'esprit absorbant des enfants : un enfant apprend en absorbant ce qu'il y a dans son environnement, donc les plus jeunes progressent beaucoup plus vite au contact des enfants plus âgés (langage, comportement, apprentissages,...). En voyant les plus grands faire des ateliers complexes, les plus jeunes se donnent des objectifs à atteindre beaucoup plus ambitieux que s'ils n'étaient que dans une classe à cours simple.
Par exemple, une année un enfant de petite section voyait les plus grands faire l'atelier de la chaîne de 1000 perles à compter. Cette chaîne est immense et les enfants doivent s'installer dans le couloir pour pouvoir la déplier.
Il était tous les jours spectateur de cet atelier et m'a dit qu'il voulait la faire lui aussi. Je lui ai montré tous les ateliers de la progression qu'il devait faire avant de pouvoir atteindre son objectif (car les ateliers sont rangés sur les étagères dans l'ordre de la progression). Il a progressé tellement vite parmi tous ces ateliers qu'il a réussi à atteindre la chaîne de 1000 en novembre de moyenne sectio
Permettre aux enfants de tenir différents rôles au sein de la classe. En effet, lorsqu'ils arrivent en petite section, ils sont accueillis par les MS et les GS qui sont les tuteurs des petits. Ils leur font visiter la classe avec leurs parents fin juin avant leur entrée à l'école, et cela rassure énormément les petits de retrouver ces grands qui se sont occupés d'eux lorsqu'ils rentrent à l'école en septembre. La rentrée est beaucoup plus sereine, car les petits sont en confiance et n'ont pas que les adultes comme figures d'attachement. Beaucoup d'amitiés se lient entre les petits et les plus grands. Lorsque les enfants grandissent, qu'ils passent en MS puis en GS, ils doivent alors prendre un autre rôle et accueillir à leur tour un nouveau petit. Les grands se souviennent en général tendrement des anciens grands qui les avaient accueillis à leur arrivée à l'école. Ils ont hâte de rentrer en CP pour pouvoir les retrouver dans la cour de l'école élémentaire.
Garder les enfants pendant trois ans permet également de mieux les connaître, afin de pouvoir apporter à chacun exactement ce dont il a besoin et de la façon qui lui convient le mieux.
La relation avec les familles est elle aussi simplifiée, puisque les parents connaissent la façon de travailler dans la classe, son organisation et ses buts directs ou indirects (je communique énormément avec eux pour leur expliquer le fonctionnement de la classe multi-âge et les apprentissages de leurs enfants).
Depuis que je suis en triple niveau, je constate un climat scolaire apaisé, des enfants heureux de venir à l'école, une réelle coopération entre les enfants, une motivation endogène (enthousiasme pour les apprentissages)...
À ton avis, multiplier ce type de projets demain ?
À mon niveau, j'essaie de faire connaître la pédagogie Montessori de plusieurs façons :
Par l'association Public Montessori dont je suis déléguée pour la Loire Atlantique. Nous organisons des rencontres entre adhérentes pour des échanges de pratiques dans nos classes. C'est l'occasion d'aider les collègues qui se lancent dans cette pédagogie, car cela nécessite un changement de posture pour l'enseignant. Nous organisons également de temps en temps des formations pour nous aider à approfondir certains domaines.
J'ouvre ma classe aux collègues qui souhaitent (et peuvent) venir en observation le mercredi matin. C'est beaucoup plus parlant de voir la classe multi-âge fonctionner en vrai. Chaque année, nous recevons entre 5 et 10 collègues en observation.
J'essaie aussi de faire connaître cette approche par le biais de mon blog : laclassedemilie.com
Cette année, j'ai accepté la demande d'un syndicat pour animer une réunion d'information syndicale sur la pédagogie Montessori (le 26 avril à Nantes).
La pratique d'Émilie vous intéresse, suivez-la : emilie@laclassedemilie.com, blog : laclassedemilie.com et compte instagram : emilie_g44